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Types d’œuvres et protection par le droit d’auteur

Pour la protection par le droit d’auteur, le type d’œuvre est dénué d’intérêt. Une œuvre de l’esprit est protégée lorsqu’elle a été mise en forme et qu’elle est originale. Il est sans importance qu’elle porte l’étiquette d’un courriel, d’une lettre missive, d’une brochure ou d’un avis écrit d’un avocat ou d’un consultant, d’une base de données ou d’encore d’un site internet. L’utilisation qui sera faite de l’œuvre ne constitue pas un critère légal en vue de l’obtention de la protection. Seule l’originalité et la forme donnée à l’idée sous-jacente constituent les conditions légales permettant à l’œuvre de l’esprit de bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Cette protection n’est pas réservée aux œuvres créées dans un but purement littéraire. Les œuvres fonctionnelles, utilitaires, informationnelles ou scientifiques peuvent également être protégées par le droit d’auteur (S. DUSOLLIER et A. DE FRANCQUEN, Manuel de droits intellectuels, Anthémis, 2015, p. 61). La jurisprudence ne manque pas d’exemples.

 

En ce qui concerne les bases de données, il parait utile d’attirer l’attention du lecteur sur l’existence d’une double protection, la protection traditionnelle du droit d’auteur et la protection sui generis basée sur la directive 31 août 1998. Si la protection ne s’étend pas ispo facto aux éléments de la base de données, il n’est nullement exclu que ceux-ci soient également protégés par le droit d’auteur.

La condition d’originalité est remplie lorsque l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives en effectuant des choix libres et créatifs (C.J.U.E., 1er décembre 2011, Painer, C-145/10, point 89.). À travers ces différents choix, l’auteur doit être en mesure d’imprimer sa « touche personnelle » à l’œuvre créée (ibdem, point 92). C’est dans la liberté d’expression que la personnalité de l’auteur trouve à s’exprimer (Dusollier, S. et de Francquen, A., op. cit., p. 71). L’originalité doit découler de la forme, de la disposition, de la combinaison et non pas de l’idée (J. KESTERMANS, P. BLOMME et M. FLAMME, « Auteursrecht – Capita Selecta », Larcier, 2015, p. 24) ou du contenu. Une œuvre peut être originale quand bien même elle exprimerait des idées qui ne le sont pas (B. MICHAUX , « L’originalité en droit d’auteur, une notion davantage communautaire après l’arrêt Infopaq », A.&M., 2009/5, p. 483). Il est dès lors vain de vouloir identifier les œuvres susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur alors que lesdites créations de l’esprit sont infinies.

 

Par contre, semblent ne pas constituer une œuvre protégeable, les créations telles que les parfums, les recettes de cuisine, les opérations à caractère purement technique, encore les prestations sportives (C.J.U.E., 4 octobre 2011, Football Association Premier League, C-403/08 et C-429/08 ; selon la Cour, les règles du jeu ne laissent pas de place pour une liberté créative au sens du droit d’auteur (point 98)). En ce qui concerne plus particulièrement les parfums, La Cour de cassation française a estimé que la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas une création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit par le droit d’auteur (Cass. fr., 13 juin 2006, A.M., 2006, liv. 4, p. 326 ; R.C.J.B., 2007, liv. 1, p. 5, note L. VAN BUNNEN, www.jura.be). Cet arrêt a été confirmé ultérieurement, la Cour estimant que « le droit d’auteur ne protège les créations dans leur forme sensible, qu’autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication ; que la fragance d’un parfum qui, hors son procédé d’élaboration, lequel n’est pas lui-même une œuvre de l’esprit, ne revêt pas une forme présentant cette caractéristique » (Cass. fr., 10 décembre 2013, www.legifrance.gouv.fr).

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’admissibilité au titre d’œuvre de la saveur d’un produit alimentaire (C.J.U.E., 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17). Dans cet arrêt, la Cour précise que la notion d’œuvre doit trouver dans toute l’Union une interprétation autonome et uniforme à défaut de renvoi exprès au droit des Etats membres. La qualification d’œuvre est réservée, selon la Cour, aux éléments qui sont l’expression de la création intellectuelle (C.J.U.E., 12 septembre 2019, Cofemel v. G-Star Raw, C-683/17, n° 29). Cette expression doit être identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas permanente. La Cour conclut que la saveur d’un produit alimentaire n’est pas une œuvre au sens de la directive 2001/29/CE au motif que la possibilité d’une identification précise et objective fait défaut.

 

En conclusion, il parait essentiel de distinguer la protection de l’œuvre de son exploitation. Toute œuvre littéraire ou artistique, quelle que soit sa nature, est protégée par le droit d’auteur si elle est originale et a été mise en forme. Seul l’auteur a le droit de l’exploiter ou d’en autoriser l’exploitation par un tiers. Ce n’est que dans ce dernier cas que les revenus obtenus par l’auteur en contrepartie du transfert de tout ou partie de ses droits patrimoniaux seront qualifiés de revenus mobiliers au sens de l’article 17 § 1er, 5° du Code des impôts sur les revenus.

 

 

Sébastien Watelet

Avocat Associé

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